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Voitures thermiques 2035. Pourquoi reculer serait risqué

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Voitures thermiques 2035
  1. La “fin du thermique” en 2035 concerne les voitures et utilitaires neufs vendus et immatriculés dans l’Union européenne. Elle ne met pas à la casse les véhicules déjà en circulation. Elle vise les émissions à l’échappement (le CO₂ qui sort du pot). 

    En clair : l’Europe veut que les modèles neufs atteignent zéro émission au tuyau. C’est là que le débat devient tendu, car “zéro” ne laisse pas beaucoup de place aux arrangements.

  2. Ce que dit la loi aujourd’hui : objectif “-100%” en 2035

    Le texte qui fixe le cap s’appuie sur le règlement CO₂ des voitures et utilitaires (règlement 2019/631), renforcé en 2023. Il inscrit, à partir du 1er janvier 2035, une réduction de 100% des émissions moyennes de CO₂ des flottes de véhicules neufs, par rapport à la base 2021. Dit autrement : l’objectif devient 0 g CO₂/km à l’échappement pour les voitures neuves et les utilitaires neufs.

  3. Avant 2035, il y a un gros jalon : 2030

    L’Europe n’a pas attendu 2035 pour accélérer. Le cadre prévoit aussi un palier en 2030 : -55% pour les voitures neuves et -50% pour les utilitaires neufs, toujours par rapport à 2021. Ce palier pousse déjà les constructeurs à électrifier vite, surtout sur les segments les plus vendus. Beaucoup d’acteurs regardent 2030 comme le “vrai test”, car il arrive très vite à l’échelle industrielle.

  4. 4 chiffres clés pour comprendre le décor

    • 29% : part du transport dans les émissions de GES de l’UE (2022).
    • 73% : part de la route dans les émissions du transport (2023).
    • 10,6 millions : immatriculations de voitures neuves dans l’UE en 2024.
    • 100% → 90% : le cœur du débat actuel sur 2035 (objectif de réduction CO₂ à l’échappement).
  5. Comment l’Europe “fait appliquer” : une moyenne de flotte, pas une interdiction au modèle

    L’UE ne bannit pas une marque, ni un moteur précis. Elle fixe une moyenne CO₂ à respecter sur toutes les ventes neuves d’un constructeur. Si la moyenne dépasse la cible, des pénalités tombent. Ce système pousse les marques à vendre plus de véhicules très sobres, voire zéro émission, pour compenser les autres. Résultat : la règle agit comme une pression commerciale continue, pas comme un couperet sur un modèle donné.

  6. Depuis décembre 2025 : la Commission propose d’assouplir 2035

    Le 15–16 décembre dernier, la Commission européenne a présenté un “automotive package” avec une proposition de révision. Le point le plus explosif : elle remplace, dans sa proposition, l’exigence “100% zéro émission en 2035” par un objectif 90% de réduction à l’échappement, plus un mécanisme de “compensation” pour les 10% restants (via crédits liés à l’acier bas carbone, et à certains carburants comme e-fuels ou biofuels, selon les modalités proposées). À ce stade, ce n’est pas encore la loi : le Parlement et les États membres doivent décider.

  7. Pourquoi “90% + compensations” change la nature du cap

    Un “100%” oblige le marché à basculer vers le zéro émission à l’échappement. Un “90%” ouvre une porte. Elle peut rester petite, ou devenir un portail. En pratique, un constructeur pourrait continuer à vendre une part de véhicules émetteurs après 2035, si son total reste compatible avec la règle et ses crédits. Cela remet aussi sur la table les hybrides rechargeables et certains thermiques, là où le cadre actuel les écarte mécaniquement. C’est ce basculement de logique qui inquiète autant.

  8. Risque N°1 : L’incertitude gèle les investissements

    L’automobile planifie sur plusieurs années. Quand la destination change, tout le monde hésite. Les constructeurs retardent des lignes de production. Les équipementiers temporisent. Les acteurs de la recharge ajustent leurs plans. Même les flottes d’entreprise attendent, car elles détestent acheter “au mauvais moment”. Un cap clair crée une dynamique de volume et de baisse des coûts. Un cap flou crée un marché à deux vitesses, et il coûte cher à la fin.

  9. Risque N°2 : la transition devient plus lente… et plus chère pour les ménages

    Quand le marché bascule franchement, il produit plus. Et les prix finissent par baisser. Quand on entretient une “sortie à moitié”, on ralentit les volumes. On garde aussi plus longtemps deux mondes en parallèle : thermique, hybride, électrique, carburants alternatifs, règles différentes. Cette complexité se répercute souvent sur le coût total, et pas seulement sur le prix catalogue. À la fin, le consommateur paie l’addition de l’entre-deux.

  10. Risque N°3 : un signal cadeau à la concurrence hors UE

    L’Europe veut une industrie auto propre et compétitive. La Commission le martèle dans ses communications. Mais une marche arrière peut envoyer un message simple : “attendez, on va peut-être changer encore”. Or la compétition mondiale s’accélère, et certains acteurs avancent vite sur l’électrique. Des données de marché montrent déjà une bataille rude sur les immatriculations en Europe, avec une montée en puissance de nouveaux entrants. Reculer le cap peut fragiliser l’investissement européen au pire moment.

  11. Oui, il existe de vrais freins… mais repousser la date ne les répare pas

    Le réseau de recharge progresse, mais il reste inégal. Les aides à l’achat changent selon les pays. Les utilitaires électriques vivent un passage délicat, car les pros veulent autonomie, charge utile, et prix raisonnable.

    Pourtant, “diluer” 2035 ne construit pas une borne de plus. Cela ne sort pas une citadine abordable de l’usine. Cela ne sécurise pas non plus la chaîne batteries. Il vaut mieux traiter les freins directement.

  12. Ce que l’Europe peut faire sans casser le cap

    L’Europe dispose de leviers plus utiles qu’un recul symbolique. Elle peut accélérer les infrastructures. Elle peut soutenir des petites voitures électriques produites en Europe. Elle peut aussi agir sur les flottes, qui structurent le marché de l’occasion. La Commission mentionne d’ailleurs des mesures de soutien dans son “automotive package”. L’idée paraît simple : aider l’industrie et les acheteurs, tout en gardant un signal clair vers le zéro émission. C’est plus cohérent que de réécrire l’objectif.

  13. Trois scénarios réalistes pour 2035

    Scénario 1 : l’UE garde le 100% et renforce les conditions de réussite (recharge, modèles abordables). C’est le scénario le plus lisible.
    Scénario 2 : l’UE passe au 90% avec des crédits très encadrés. Le risque : l’exception grossit.
    Scénario 3 : l’UE repousse ou affaiblit encore. Là, l’incertitude devient structurelle, et le marché se fragmente.

  14. Sans cap clair, tout l’écosystème freine (et nous aussi)

    Chez GLASSEO, on le vit à notre échelle. On “verdit” notre parc au fil des années, avec des choix concrets : tester, investir, adapter les tournées, former, et faire évoluer l’organisation. Ce n’est pas un achat impulsif. C’est une trajectoire.

    Et comme pour l’Europe, ce qui nous aide le plus, ce n’est pas le grand discours. C’est la stabilité du cap. Quand le cadre bouge tous les quatre matins, tout devient plus compliqué. On reporte des investissements. On hésite sur les motorisations à privilégier. On revoit les plans de déploiement. On attend des signaux sur les infrastructures de recharge, sur les coûts d’usage, sur les aides, sur les règles d’accès en ville.

    À la fin, ce flou ne touche pas que les constructeurs. Il perturbe tout l’écosystème de la mobilité : flottes d’entreprise, artisans, logisticiens, assureurs, réseaux de réparation, infrastructures, collectivités… et même les clients, qui ne savent plus sur quel pied rouler.

    Donc oui, on peut ajuster le tempo. Mais il faut garder une direction nette. Parce que quand le cap se brouille, la transition ne devient pas plus “souple”. Elle devient juste plus lente… et souvent plus coûteuse pour tout le monde.